Production et transmission des « savoirs religieux ordinaires » en contexte européen de sécularisation et de pluralité religieuse
Peut-on parler, pour les personnes croyantes, de « savoirs religieux ordinaires » qui, parmi d’autres référentiels, contribuent à orienter leurs conduites ?
[Die deutsche Fassung ist unter] Les recherches contemporaines sur appartenances religieuses interrogent souvent les valeurs des croyants ou se concentrent sur les pratiques de façon à mieux cerner comment seraient construites les « identités religieuses ». Les « modalités du croire » et plus particulièrement les savoirs construits, transmis et mobilisés par les différents acteurs et actrices du champ du religieux sont moins souvent enquêtés, peut-être parce que l’objet « savoir religieux » est plus difficile à constituer d’un point de vue scientifique. Avec Danièle Hervieu-Léger, on peut considérer ces savoirs religieux comme des « croyances formalisées, rationalisées, dont les individus sont capables de rendre compte ». Si elles échappent à la vérification expérimentale, elles n’en sont pas moins, pour l’adhérent à un courant religieux particulier, un savoir spécifique sur lequel il peut appuyer sa pratique et donner sens à ses conduites.
Etudier sociologiquement les savoirs religieux
Sur le plan collectif des socialisations, un courant spirituel ou religieux, comme tout courant esthétique, culturel ou même politique, doit s’incarner au travers de traditions et institutions pour espérer s’inscrire dans la durée. Dépasser la temporalité d’une existence humaine individuelle n’est pas en soi une prétention arbitraire, mais découle de la croyance en la validité de ce qui est avancé. Cette transmission se traduit par des textes canonisés ou de références, des rites, des liturgies, des modes d’organisation institutionnels mais aussi par des « contenus du croire », qu’ils soient théoriques ou pratiques, ou dit autrement des « savoirs religieux ». Parmi les processus cumulatifs en permanente transformation qui forment les traditions religieuses, les « savoirs religieux » ont une place importante, dans la mesure où il s’agit d’une mise en cohérence avec des critères rationnels des bases cognitives et symboliques qui fondent le rapport à la transcendance. À la différence d’un ethos ou d’un style de vie religieux, le « savoir religieux » suppose une forte réflexivité – une des questions qui nous occupera sera d’ailleurs de penser l’articulation entre la dimension cognitive des savoirs religieux et leur dimension pratique, pré-réflexive. Il ne s’agit pas ici de se focaliser sur les savoirs théologiques ou dogmatiques, mais sur les savoirs mobilisés par les croyants ordinaires, dans leur vie spirituelle et sociale quotidienne. Par exemple, on pourra aborder les règles du port du foulard islamique, la question du Jugement dernier (et les conceptions de l’enfer et du paradis), les modalités de la prière quotidienne et la perception de son efficacité rituelle.
Une approche interdisciplinaire et comparative
Pour mieux comprendre l’influence de ces savoirs religieux dans la société européenne contemporaine post-métaphysique et post-séculière , on discutera les approches cognitivistes et praxéologiques, de manière à mieux cerner ce que l’on peut rigoureusement considérer comme un « savoir religieux ordinaire », en le distinguant des autres formes de savoir (par exemple scientifique ou expert). Sans vouloir « entrer dans les consciences » des croyants, il s’agit de s’inscrire dans un processus réflexif et d’identifier les interactions au travers desquelles ces savoirs se constituent. Le but de cette série de rencontres scientifiques et citoyennes sera aussi de diffuser et de faire connaitre des études empiriques sur les processus de (re)formulation de ces « savoirs » dans différents espaces sociaux : les communautés religieuses locales, les familles, les écoles en croisant les courants et traditions religieuses et différents contextes nationaux européen (l’accent étant mis sur la France, l’Allemagne et la Suisse, notamment à travers l’espace trinational du Rhin supérieur).
Enfin, une attention toute particulière sera donnée, dans l’étude de ces processus de constitution des savoirs religieux par les « croyant.e.s ordinaires » dans leurs différents espaces de sociabilités (familial, amical, communautaire, scolaire, numérique, etc.), à la question de la légitimité et du contrôle de ces savoirs et à celle de leur mobilisation au sein des discours religieux contemporains, qu’ils soient « exclusiviste » ou « radicaux », « interreligieux », ou autres.
Produktion und Vermittlung von „(all)gemeinem religiösen Wissen“ im europäischen Kontext der Säkularisierung und der religiösen Pluralität
Kann man bei gläubigen Menschen von einem „(all)gemeinen religiösen Wissen“ sprechen, das neben anderen Bezugssystemen dazu beiträgt, ihr Verhalten zu orientieren?
Die zeitgenössische Forschung zu religiösen Zugehörigkeiten fragt häufig nach den Werten der Gläubigen oder konzentriert sich auf die Praktiken, um besser zu verstehen, wie « religiöse Identitäten » konstruiert werden. Die « Modalitäten des Glaubens » und insbesondere das Wissen, das von den verschiedenen Akteurinnen und Akteuren im Bereich des Religiösen konstruiert, vermittelt und mobilisiert wird, werden seltener untersucht, vielleicht weil der Gegenstand « religiöses Wissen » aus wissenschaftlicher Sicht schwieriger zu konstituieren ist. Mit Danièle Hervieu-Léger kann man dieses religiöse Wissen als « formalisierte, rationalisierte Überzeugungen, über die die Individuen Rechenschaft ablegen können » betrachten. Sie sind zwar nicht experimentell überprüfbar, stellen aber für die Anhänger*innen einer bestimmten religiösen Strömung ein spezifisches Wissen dar, auf das sie ihre Praxis stützen und mit dem sie ihrem Verhalten Sinn verleihen können.
Religiöses Wissen soziologisch erforschen
Auf der kollektiven Ebene der Sozialisation muss sich eine spirituelle oder religiöse Strömung, wie jede ästhetische, kulturelle oder auch politische Strömung, durch Traditionen und Institutionen bewahren, um sich dauerhaft zu etablieren. Die Zeitlichkeit einer individuellen menschlichen Existenz zu überwinden, ist an sich kein willkürlicher Anspruch, sondern entspringt dem Glauben an die Gültigkeit des Vorgebrachten. Die Formen der Übertragung finden ihren Ausdruck in kanonisierten oder Referenztexten, in Riten, Liturgien und in institutionellen Organisationsformen, aber auch in theoretischen oder praktischen « Glaubensinhalten » oder, anders gesagt, in « religiösem Wissen ». Unter den kumulativen, sich ständig wandelnden Prozessen, die religiöse Traditionen formen, nimmt das « religiöse Wissen » einen wichtigen Platz ein. Denn hier geht es darum, die kognitiven und symbolischen Grundlagen, die das Verhältnis zur Transzendenz begründen, mit rationalen Kriterien in Einklang zu bringen. Im Unterschied zu einem Ethos oder einem religiösen Lebensstil setzt « religiöses Wissen » eine starke Reflexivität voraus – eine der Fragen, die uns beschäftigen wird, wird übrigens die nach den Verbindungen zwischen der kognitiven Dimension des religiösen Wissens und seiner praktischen, präreflexiven Dimension sein. Hier geht es nicht darum, sich auf theologisches oder dogmatisches Wissen zu konzentrieren, sondern auf das Wissen, das von gewöhnlichen Gläubigen in ihrem täglichen spirituellen und sozialen Leben mobilisiert wird. Beispiele hierfür wären etwa das Gebot für das Tragen des islamischen Kopftuchs, die Frage nach dem Jüngsten Gericht (und die Vorstellungen von Hölle und Paradies), die Modalitäten des täglichen Gebets und die Wahrnehmung seiner rituellen Wirksamkeit .
Interdisziplinarität und internationaler Vergleich
Um die Bedeutung dieses religiösen Wissens in der zeitgenössischen postmetaphysischen und postsäkularen europäischen Gesellschaft besser zu verstehen, werden wir kognitivistische und praxeologische Ansätze diskutieren, um uns dem Begriff des « [all]gemeinen religiösen Wissens » anzunähern und ihn von anderen Formen des Wissens (z. B. wissenschaftlichem oder Expertenwissen) zu unterscheiden. Ohne in das „Bewusstsein“ der Gläubigen « eindringen » zu wollen, wollen wir Raum zur Reflexion geben und dabei herausfinden, durch welche Interaktionen sich dieses Wissen konstituiert. Ziel dieser Reihe von wissenschaftlichen Sitzungen kombiniert mit bürgerschaftlichen Debatten wird es auch sein, empirische Studien über Prozesse der (Neu-)Formulierung dieses Wissens in verschiedenen sozialen Bereichen bekannt zu machen: lokale Religionsgemeinschaften, Familien, Schulen. Dabei werden verschiedene religiöse Strömungen und Traditionen miteinander in Dialog gebracht und verschiedene nationale Kontexte in Europa berücksichtigt (mit Schwerpunkt auf Frankreich, Deutschland und der Schweiz, insbesondere im trinationalen Raum des Oberrheins).
Schließlich wird bei der Frage nach den Prozessen der Konstitution religiösen Wissens durch « gewöhnliche Gläubige » in ihren verschiedenen Sozialräumen (Familie, Freundeskreis, Gemeinschaft, Schule, digitale Medien usw.) einem Aspekt besondere Bedeutung eingeräumt: welche Legitimität haben die zeitgenössischen religiösen Diskurse, seien sie « exklusivistisch », « radikal » oder « interreligiös » usw.? Wie gestaltet sich die Kontrolle dieses Wissens seiner Mobilisierung im Alltag?
Références :
Hervieu-Léger Danièle, La religion pour mémoire, Paris, Cerf, 1993, p. 106.
Jouanneau Solenne, « L’imam, clerc sans clergé ni Église : Les répertoires d’une autorité dissimulée dans les cadres de l’interaction », Genèses, n°88, 2012/3, p. 13-14.
Habermas Jürgen, Entre naturalisme et religion, Paris, Gallimard, 2008.