JE 14 JUIN 2023
Journée d’études : « Production et transmission des savoirs islamiques dans les mosquées en France et en Allemagne »
Kolloqu/ium: « Produktion und Vermittlung von islamischem Wissen in Moscheen in Frankreich und Deutschland »
Ces exposés et débats ont eu lieu le mercredi 14 juin 2023 dans la salle de conférences de la MISHA à Strasbourg, en présence d’une trentaine de personnes, dont beaucoup d’enseignants-chercheurs et de professionnels.
Dans un rapide propos introductif, Younes Van Praet (Université de Rouen / DYSOLAB & Université catholique de Louvain / CISMOC) a rappelé ce que la tradition musulmane considérait comme un savoir religieux (‘ilm).
In einer kurzen Einführung erinnerte Younes Van Praet (Universität Rouen / DYSOLAB & Katholische Universität Louvain / CISMOC) daran, was die muslimische Tradition als religiöses Wissen (‘ilm) betrachtete.
Prenant pour source la révélation (ou plus exactement la « descente ») coranique et son contexte socio-culturel, le processus de construction de ces savoirs a commencé quand Mohammed enseignait déjà, de manière clandestine, à la Mecque. D’abord pris en charge par les compagnons et compagnonnes du prophète arabe, ces savoirs religieux s’institutionnalisent et se segmentent progressivement dans les madrasa puis les universités islamiques : fatwa (art de prescrire le licite et l’illicite) hadîth et sîra (connaissance de la tradition sur les paroles, les gestes et la vie du prophète), fiqh (droit), tawhîd (dogme – se dit aussi kalâm), tafsîr (exégèse) ou tasawwuf (en soufisme, la connaissance des états d’âme).
Concernant les « savoirs religieux ordinaires », plus particulièrement au centre de nos préoccupations, l’idée d’un socle obligatoire minimal de connaissance apparaît très tôt dans un hadîth : « La quête du savoir religieux est une obligation pour tout musulman et toute musulmane ». Lorsque les questions deviennent plus pointues, un savant « de proximité » doit pouvoir renseigner utilement les croyants et croyantes. D’autres sciences, dont les domaines reprennent ceux des arts libéraux médiévaux (grammaire, physique, mathématiques, rhétorique, philosophie, etc.) viennent compléter les sciences religieuses proprement dites. Le but, en recherchant ces savoirs, est de pouvoir « acquérir une certitude sur laquelle fonder son existence ». Le croyant ordinaire et le savant sont ainsi tous les deux invités à progresser dans la voie du savoir, sans qu’il y ait de rupture qualitative entre eux. Enfin, Younes Van Praet signale qu’une pédagogie propre au savoir religieux s’est développée très tôt, avec une didactique bien structurée et la rédaction de petits ouvrages concis et accessibles. Elle a été profondément déstabilisée lors des périodes coloniales et décoloniales et elle est aujourd’hui en cours de reformulation, en intégrant notamment les nouvelles techniques de e-learning.
Der Prozess des Aufbaus dieses Wissens, das auf der Offenbarung des Korans und seinem soziokulturellen Kontext beruht, begann bereits, als Muhammad in Mekka im Untergrund unterrichtete. Zunächst von den Gefährten und Gefährtinnen des arabischen Propheten übernommen, institutionalisierte und segmentierte sich dieses religiöse Wissen allmählich in den Madrasa und später in den islamischen Universitäten: Fatwa (die Kunst, das Erlaubte und das Unerlaubte vorzuschreiben), Hadîth und Sîra (Wissen der Überlieferung über die Worte, Gesten und das Leben des Propheten), Fiqh (Recht), Tawhîd (Dogma – wird auch Kalâm genannt), Tafsîr (Exegese) oder Tasawwuf (im Sufismus das Wissen um die Gemütszustände).
In Bezug auf das « gewöhnliche religiöse Wissen », das hier im Mittelpunkt steht, tauchte die Idee eines obligatorischen Mindestwissens schon sehr früh in einem Hadîth auf: « Das Streben nach religiösem Wissen ist eine Pflicht für jeden Muslim und jede Muslima ». Wenn die Fragen komplexer werden, muss ein Gelehrter « aus der Nähe » den Gläubigen hilfreiche Informationen geben können. Die eigentlichen religiösen Wissenschaften werden durch andere Wissenschaften ergänzt, deren Bereiche denen der mittelalterlichen freien Künste entsprechen (Grammatik, Physik, Mathematik, Rhetorik, Philosophie usw.). Das Ziel bei der Suche nach diesen Kenntnissen ist es, « eine Gewissheit zu erlangen, auf die man seine Existenz gründen kann ». Sowohl die gewöhnlichen Gläubigen als auch die Gelehrten sind also aufgefordert, auf dem Weg des Wissens voranzuschreiten, ohne dass es einen qualitativen Bruch zwischen ihnen gibt. Schließlich weist Younes Van Praet darauf hin, dass sich schon früh eine dem religiösen Wissen eigene Pädagogik mit einer gut strukturierten Didaktik und der Abfassung kleiner, prägnanter und zugänglicher Bücher entwickelt hat. Sie wurde während der Kolonialzeit und der Zeit der Dekolonisierung tiefgreifend destabilisiert und wird heute neu formuliert, wobei insbesondere die neuen E-Learning-Techniken einbezogen werden.
Almila Akca : Savoirs et pratiques religieuses dans les mosquées en Allemagne
Almila Akca : Religiöses Wissen und religiöse Praxis in Moscheen in Deutschland
L’exposé d’Almila Akca (Berliner Institut für Islamische Theologie, Humboldt Universität, directrice d’un groupe de jeunes chercheurs et chercheuses) a porté sur la façon dont les savoirs et les pratiques islamiques pouvaient être discutés et légitimés dans les mosquées allemandes.
Comme en France, l’imam est souvent considéré comme la principale autorité religieuse musulmane. Cette perception s’explique par son assimilation avec la figure du prêtre ou du pasteur. Les analyses sociologiques de M. Weber et P. Bourdieu, qui ont écarté les simples fidèles des luttes que se livrent les clercs dans le champ religieux, servent de guide aux études sur l’espace musulman. Or, les mosquées, qui pour la plupart ont été fondées et financées par des travailleurs immigrés, sont des associations autonomes, auto-administrées, et la nomination de leur(s) imam(s) dépend de son conseil d’administration. Il n’y a pas de clergé en islam sunnite, l’imam étant un laïc auquel on demande d’abord de « conduire la prière » (en allemand, imam se traduit de manière assez précise et littérale par Vorbeter, « celui qui prie devant », terme sans équivalent en français). Si les « musulmans ordinaires » se réfèrent volontiers à leur imam pour lui demander conseil, il n’est pas la seule autorité mobilisable. A. Akca donne l’exemple d’une confrontation entre l’imam et le conseil d’administration sur l’opportunité de recevoir un don d’un propriétaire de casino (alors que les jeux d’argent sont interdits par le texte coranique). Les fidèles ont été impliqués dans la discussion, qui a théologiquement portée sur la responsabilité individuelle et la responsabilité collective, la question de savoir si l’argent pouvait être « licite ». Des considérations économiques et financières ont aussi animé le débat. Finalement, l’imam qui voulait refuser ce don n’a pas convaincu ses coreligionnaires. Contrairement à ce qu’une partie de la littérature scientifique avance, les non-experts ne suivent pas aveuglément leur imam mais bien plutôt ils le dirigent.
Wie in Frankreich wird der Imam häufig als die wichtigste religiöse Autorität der Muslime und Musliminnen angesehen. Diese Wahrnehmung erklärt sich durch seine Gleichsetzung mit der Figur des Priesters oder Pfarrers. Die soziologischen Analysen von M. Weber und P. Bourdieu, die die einfachen Gläubigen aus den Kämpfen, die sich die Kleriker im religiösen Bereich liefern, herausgehalten haben, dienen als Leitfaden für Studien über den muslimischen Raum. Die Moscheen, die zumeist von Gastarbeiter:innen gegründet und finanziert wurden, sind jedoch autonome, selbstverwaltete Vereine, und die Ernennung ihres Imams bzw. ihrer Imame hängt vom Vorstand des Vereins ab. Im sunnitischen Islam gibt es keinen Klerus, der Imam soll in erster Linie « das Gebet leiten » (Imam wird im Deutschen ziemlich genau und wörtlich mit Vorbeter übersetzt, ein Begriff, der im Französischen keine Entsprechung hat.). Auch wenn « normale Muslime » sich gerne an ihren Imam wenden, um ihn um Rat zu fragen, ist er nicht die einzige Autorität, die mobilisiert werden kann. A. Akca nennt als Beispiel eine Konfrontation zwischen dem Imam und dem Vorstand über die Frage, ob eine Spende von einem Kasinobesitzer angenommen werden sollte (obwohl Glücksspiel im Koran verboten ist). Die Gläubigen brachten sich rege in die Diskussion ein, die sich theologisch um individuelle und kollektive Verantwortung drehte, um die Frage, ob dieses Geld « islamisch rechtwidrig » sein könne. Nicht nur theologische, sondern auch wirtschaftliche und finanzielle Überlegungen spielten in der Debatte eine erhebliche Rolle. Letztlich konnte der Imam, der die Spende ablehnen wollte, seine Gemeinde nicht überzeugen. Im Gegensatz zu den Vorannahmen eines großen Teils der wissenschaftlichen Literatur, folgen die einfachen Gläubigen ihrem Imam nicht blind, sondern lenken ihn vielmehr.
Les controverses religieuses au sein des mosquées (par exemple sur le contenu de l’enseignement religieux pour les enfants ou l’intérêt de la récitation du Coran, la place des femmes dans la mosquée, l’organisation des fêtes religieuses, etc.) se traduisent rapidement en une opposition entre le « vrai islam » et le « faux islam ». Les différents acteurs en présence mobilisent différentes ressources argumentatives, sans que l’on puisse les classer de manière univoque entre « réformistes » et « conservateurs ». Certains vont mettre en avant l’exigence coranique d’avoir une pratique authentique et consciente, rationnalisé plutôt qu’une observance mécanique. Ils peuvent pour cela s’appuyer sur la tradition islamique et convoquer des auteurs du XIIème siècle de l’ère commune (comme Ibn Rushd ou Fakhr ad-Dîn ar-Râzî) sans forcément s’inscrire dans le courant réformiste musulman libéral. D’autres estiment que les enseignements traditionnels et l’interprétation des anciens a permis à l’islam de se développer, ce qui serait une preuve de leur pertinence et validité. Il est aussi question de prendre en compte des attentes esthétiques ou psychologiques et de ne pas se limiter aux aspects purement intellectuels, comme le montre un attachement persistant à la « belle récitation coranique », qui peut contribuer au capital culturel d’un expert ou d’une experte et contribuer à son autorité.
Une lutte de redéfinition du bon positionnement vis-à-vis du texte coranique semble néanmoins avoir lieu en Allemagne comme en France : au nom d’une lecture plus juste du Coran et d’un islam plus authentique, beaucoup remettent en question le consensus traditionnel des savants sunnites et regrettent le manque de connaissance du texte coranique parmi les croyant.e.s. Ils préfèrent la réflexion à l’imitation, la raison à la foi formelle, le savoir à la tradition, la responsabilité à la dévotion. Cette critique de la tradition n’est pas toujours audible, car en minorant les aspects émotionnels, le sentiment de continuité et d’appartenance et le souci de l’assurance du salut, elle néglige finalement les besoins spirituels des adeptes ou encore la relation émotionnelle avec Dieu.
Die religiösen Kontroversen innerhalb der Moscheen (z. B. über den Inhalt des Religionsunterrichts für Kinder oder den Wert der Koranrezitation, die Stellung der Frauen in der Moschee, die Organisation religiöser Feste usw.) schlagen sich schnell in einen Gegensatz zwischen dem « wahren Islam » und dem « falschen Islam » nieder. Die verschiedenen Akteure mobilisieren unterschiedliche argumentative Ressourcen, ohne dass man sie eindeutig in « Reformer » und « Konservative » einteilen kann. Einige heben die koranische Forderung nach einer authentischen und bewussten, rationalisierten Praxis anstelle einer mechanischen Befolgung hervor. Dazu können sie sich auf die islamische Tradition stützen und Autoren aus der Vormoderne (wie Ibn Rushd oder Fakhr ad-Dîn ar-Râzî) heranziehen, ohne sich unbedingt der muslimischen Reformströmung der Neuzeit zuzuordnen. Andere sind der Ansicht, dass die traditionellen Lehren und die Auslegung der Altvorderen den Islam weiterentwickelt haben, was ein Beweis für ihre Relevanz und Gültigkeit wäre. Es geht auch darum, ästhetische oder psychologische Erwartungen zu berücksichtigen und sich nicht auf rein intellektuelle Aspekte zu beschränken, wie ein anhaltendes Festhalten an der « schönen Koranrezitation » zeigt, die zum kulturellen Kapital eines Experten oder einer Expertin und zu seiner/ihrer Autorität beitragen kann.
Diese Debatten sind Teil eines Kampfes um die Neudefinition der richtigen Position gegenüber dem Korantextin Deutschland und in Frankreich: Im Namen einer korrekteren Lesart des Korans und eines authentischeren Islams stellen viele den traditionellen Konsens der sunnitischen Gelehrten in Frage und bedauern den Mangel an Kenntnissen des Korantextes unter den Gläubigen. Sie ziehen Nachdenken der Nachahmung vor, Vernunft dem formalen Glauben, Wissen der Tradition und Verantwortung der Hingabe. Diese Kritik an der Tradition ist nicht immer hörbar, da sie die emotionalen Aspekte, das Gefühl von Kontinuität und Zugehörigkeit und die Sorge um die Heilsgewissheit unterschlägt und damit letztlich die spirituellen Bedürfnisse der Anhänger oder die emotionale Beziehung zu Gott vernachlässigt.
Younes Van Praet : Transmission des savoirs religieux dans les mosquées de Rouen et carrières d’apprenants
Younes Van Praet : Vermittlung religiösen Wissens in den Moscheen von Rouen und Karrieren von Lernendenahnen
Younes Van Praet a ensuite repris la parole pour présenter les transformations des modes d’acquisition des savoirs religieux dans l’espace musulman de l’agglomération rouennaise et évoquer la « carrière de l’apprenant » en quête du ‘ilm.
Younes Van Praet ergriff anschließend erneut das Wort, um die Veränderungen in der Art und Weise des Erwerbs von religiösem Wissen unter Muslim*innen des Großraums Rouen darzustellen und die « Karriere der Lernenden » auf der Suche nach dem ‘ilm darzustellen.
Les modalités de production et de circulation du ‘ilm, le savoir religieux, est étroitement dépendant de la structuration locale de la vie musulmane. Celle de Rouen est influencée dans les années 1970 par la mouvance Tabligh (mouvement piétiste, littéraliste, rigoriste et conversionniste marqué par le soufisme). Lorsque les mosquées sont construites dans les années 1980, des activités de transmission du savoir religieux y sont prises en charge par des imams ou des bénévoles primo-migrants. Cet enseignement traditionnel et assez superficiel est remis en cause dans les années 1990-2000 par une nouvelle génération également primo-migrantes, mieux éduqué, venue en France pour étudier ou se marier, et socialisé au sein de leur pays d’origine. Ne trouvant pas leur place dans les mosquées, ils fondent en dehors de celles-ci des associations culturelles où ils proposent un enseignement plus sensible aux exigences pédagogiques et conforme aux formes scolaires.
Die Art und Weise, wie der ‘ilm, das religiöse Wissen, produziert wird und zirkuliert, ist eng mit der lokalen Strukturierung des muslimischen Lebens verknüpft. Das von Rouen wurde in den 1970er Jahren von der Tabligh-Bewegung beeinflusst (eine pietistische, literalistische, rigoristische und konvertistische Bewegung, die vom Sufismus geprägt ist). Als in den 1980er Jahren Moscheen gebaut wurden, wurden dort Aktivitäten zur Vermittlung religiösen Wissens von Imamen oder ehrenamtlichen Erstmigrant*innen übernommen. Dieser traditionelle und recht oberflächliche Unterricht wurde in den 1990er und 2000er Jahren von einer neuen Generation von ebenfalls Erstmigrant*innen in Frage gestellt, die besser ausgebildet waren, zum Studieren oder Heiraten nach Frankreich gekommen waren und in ihren Herkunftsländern sozialisiert wurden. Da sie in den Moscheen keinen Platz fanden, gründeten sie außerhalb der Moscheen Kulturvereine, in denen sie einen Unterricht anboten, der sensibler auf pädagogische Anforderungen reagierte und den Schulformen entsprach.
Après 2010, les générations de musulmans nées en France fréquentant les mosquées réclament pour leurs propres enfants des méthodes plus ludiques et ouvertes que ce qu’ils ont subi. Face à la pression concurrentielle des apprentissages hors mosquées, les méthodes d’enseignement se diversifient au sein des mosquées rouennaises. Depuis les années 2000, les ancrages doctrinaux des acteurs musulmans se sont considérablement diversifiés : Frères musulmans, Justice et Bienfaisance (un mouvement de l’islam politique marocain), salafistes, mouvance Ahbach (originaire du Liban, proche du soufisme et clairement hostile au salafisme). Chaque mouvance met en place ses propres activités mais tente aussi de se rendre indispensable comme conférenciers du vendredi dans les mosquées rouennaises, aidés en cela par leur bonne maitrise du français en sus de la langue arabe. Depuis une dizaine d’années des cours destinés aux adultes se sont ouverts, avec là aussi une concurrence entre une approche réformée proche de l’Institut Européen des Sciences Humaines (IESH) fondée à Paris par les Frères musulmans et l’institut Iqtân, qui cherche à transmettre un savoir plus traditionnel malikite et ash’arite. Le champ musulman rouennais semble s’être ainsi considérablement élargi, avec de nouveaux entrants qui ont cherché à transformer sa logique de fonctionnement. Ainsi les fidèles sont en contact avec une large palette d’expert.e.s lors des controverses théologiques ou plus encore sur les formes que doit prendre la « bonne pratique musulmane ».
Nach 2010 fordern die in Frankreich geborenen Generationen von Muslim*innen, die Moscheen besuchen, für ihre eigenen Kinder Methoden, die spielerischer und offener sind als das, was sie selbst erfahren haben. Angesichts des Konkurrenzdrucks durch Lernangebote außerhalb der Moscheen werden die Unterrichtsmethoden in den Moscheen von Rouen immer vielfältiger. Seit den 2000er Jahren haben sich die doktrinären Verankerungen der muslimischen Akteur*innen erheblich diversifiziert: Muslimbrüder, Gerechtigkeit und Wohlfahrt (eine Bewegung des politischen Islam in Marokko), Salafist*innen, Ahbach-Bewegung (aus dem Libanon stammend, dem Sufismus nahestehend und dem Salafismus eindeutig feindlich gesinnt). Jede Bewegung führt ihre eigenen Aktivitäten durch, versucht aber auch, sich als Freitagsredner in den Moscheen von Rouen unentbehrlich zu machen, wobei ihnen hilft, dass sie neben der arabischen Sprache auch das Französische gut beherrschen. Seit etwa zehn Jahren werden auch Kurse für Erwachsene angeboten, wobei auch hier ein Wettbewerb zwischen einem reformierten Ansatz, der dem von den Muslimbrüdern in Paris gegründeten Institut Européen des Sciences Humaines (IESH) nahesteht, und dem Iqtân-Institut, das eher traditionelles malikitisches und asch’aritisches Wissen vermitteln will, besteht. Das muslimische Feld in Rouen scheint sich erheblich ausgeweitet zu haben, da neue Akteur*innen versucht haben, die Funktionslogik des Feldes zu verändern. So kommen die Gläubigen bei theologischen Kontroversen oder bei der Frage, wie « gute muslimische Praxis » aussehen soll, mit einer breiten Palette von Expert*innen in Kontakt.
Younes Van Praet détaille ensuite comment dans cet environnement, mais aussi lors de voyages à l’étranger, une personne en quête de ‘ilm peut vivre sa « carrière d’apprenant ». La focale se déplace ainsi de l’offre vers la réception, l’incorporation des savoirs religieux, en prenant un profil particulier celui de l’adepte avide de nourrir sa vie intellectuelle et spirituelle. Depuis l’entrée dans le ‘ilm jusqu’à sa consécration quand le sujet devient lui-même enseignant, le parcours a une forte teneur initiatique, une importante mobilisation de l’habitus scolaire, où à travers l’étude (en présentiel et en ligne), les rencontres, les voyages et les obstacles, l’individu se redéfinit dans son rapport à la transcendance. Aujourd’hui, ce sont ces acteurs musulmans qui sont les premiers transmetteurs des savoirs religieux auprès des croyantes et croyants ordinaires.
Younes Van Praet beschreibt dann detailliert, wie in diesem Umfeld, aber auch bei Reisen ins Ausland, eine Person auf der Suche nach ‘ilm ihre « Lernkarriere » durchleben kann. Der Fokus verlagert sich also vom Angebot auf den Empfang, die Aufnahme von religiösem Wissen, und nimmt dabei ein besonderes Profil an, nämlich das des/der Anhängers*in, der/die begierig darauf ist, ihr/sein intellektuelles und spirituelles Leben zu nähren. Vom Eintritt in den ‘ilm bis zur Weihe, wenn das Subjekt selbst zum Lehrer wird, hat der Weg einen starken Initiationsgehalt, eine bedeutende Mobilisierung des schulischen Habitus, wo durch das Studium (in Präsenz und online), Begegnungen, Reisen und Herausforderungen das Individuum in seiner Beziehung zur Transzendenz neu definiert wird. Heute sind es diese muslimischen Akteur*innen, die den gewöhnlichen gläubigen Frauen und Männern das religiöse Wissen in erster Linie vermitteln.
Discussion et comparaisons franco-allemandes
Diskussion und deutsch-französische Vergleiche
Des similitudes sont repérables dans les deux contextes nationaux : les imams ne sont pas les seuls dépositaires de l’autorité religieuse légitime, le vivier des experts et expertes qui gravitent dans et autour des mosquées, et auxquels peuvent recourir les fidèles, est en permanent renouvellement. Les nouveaux prétendants à l’autorité religieuse parviennent à conjuguer un apprentissage dans les centres islamiques reconnus de l’étranger avec une bonne maitrise de la langue nationale. En France comme en Allemagne, les espaces islamiques locaux, que l’on peut étudier comme des champs, ont des caractéristiques distinctes, largement héritées de leur histoire. Malgré la forte présence de l’islam consulaire (en Allemagne du Ditib ou de Milli Görüs), le fonctionnement des mosquées semble assez ouvert à différents types d’enseignants, de conférenciers ou prédicateurs. Il faudrait objectiver par ailleurs, dans les deux contextes nationaux, la circulation des fidèles entre les différents lieux de culte qui leur sont accessibles.
Dans les deux pays, les luttes de définition du « vrai islam » sont vives et opposent des courants plutôt traditionnalistes, attachés à des pratiques rituelles et des herméneutiques héritières d’une longue histoire, des courants plus récents, à la fois réformistes et rigoristes, souvent plus internationalisés, qui cherchent à retrouver un « islam des origines » et un rapport authentique et intégraliste à la foi (c’est-à-dire qui engage le fidèle dans toutes ses dimensions vécues), des courants plus intellectualistes, moins observant, plus perméables aux codes culturels de la société nationale, pour qui une nouvelle compréhension du Coran et des fondements de l’islam est nécessaire. Dans le même temps, d’autres acteurs du champ musulmans cherchent, contre ces différents types de remise en cause « réformiste », à réhabiliter les formes plutôt traditionnelles et traditionalistes de l’Islam dans les communautés de travailleurs immigrés. Il s’agit ici de reconnaitre l’importance de l’ « appartenance à une communauté », l’attachement émotionnel par la socialisation qui ne passe justement pas par la compréhension et une approche intellectualisée et individualisée, mais par une approche collective, ancrée dans des pratiques traditionnelles.
In beiden Ländern gibt es heftige Kämpfe um die Definition des « wahren Islam », bei denen sich eher traditionalistische Strömungen, die an rituellen Praktiken und Hermeneutiken festhalten, die auf eine lange Geschichte zurückgehen, neuere Strömungen, die sowohl reformistisch als auch rigoristisch sind und oft stärker internationalisiert sind, gegenüberstehen, die versuchen, einen « Islam der Ursprünge » und eine authentische und integrale Beziehung zum Glauben wiederzufinden (d. h. die den Gläubigen in all seinen gelebten Dimensionen verpflichtet), intellektualistischere Strömungen, die weniger fromm (oder pietistisch) und durchlässiger für die kulturellen Codes der nationalen Gesellschaft sind, für die ein neues Verständnis des Korans und der Grundlagen des Islams notwendig ist. Gleichzeitig versuchen andere Akteure im muslimischen Feld, gegen diese verschiedenen Arten der « reformistischen » Infragestellung, die eher traditionellen und traditionalistischen Formen des Islam in den Gastarbeitergemeinschaften zu rehabilitieren. Dabei geht es darum, die Bedeutung der « Zugehörigkeit zu einer Gemeinschaft » anzuerkennen, die emotionale Bindung durch Sozialisierung, die eben nicht durch Verständnis und einen intellektualisierten und individualisierten Ansatz erfolgt, sondern durch einen kollektiven Ansatz, der in traditionellen Praktiken verankert ist.
Les communications étant axées sur les mosquées comme lieux de transmission du ‘ilm, il n’a été possible d’aborder qu’à la marge la question des différences de structuration du champ académique en ce qui concerne la théologie et les sciences islamiques. De nombreux universités et centres de formation publics en Allemagne proposent des diplômes reconnus par l’Etat, alors qu’en France l’initiative appartient plutôt à des centres de formations privées, moins dotés financièrement, tandis que quelques formations publiques d’islamologie se retrouvent dans des facultés en rapport avec les langues orientales ou les cultures arabes ou turques. On peut faire l’hypothèse que les études islamiques fondamentales sont plus développées en Allemagne (qui est également bien connectée avec les universités turques et iraniennes) alors qu’en France, les enseignant.e.s et intellectuel.le.s qui transmettent les savoirs islamiques à destination du monde des mosquées sont plutôt des militants.
Da sich die Vorträge auf die Moscheen als Orte der Überlieferung des ‘ilm konzentrierten, konnte die Frage nach der unterschiedlichen Strukturierung des akademischen Feldes in Bezug auf Theologie und Islamwissenschaften nur am Rande behandelt werden. Zahlreiche staatliche Universitäten und Ausbildungsstätten in Deutschland bieten staatlich anerkannte Abschlüsse an, während in Frankreich die Initiative eher von privaten, finanziell weniger gut ausgestatteten Ausbildungsstätten ausgeht, während einige staatliche Ausbildungsgänge in Islamwissenschaft an Fakultäten mit Bezug zu orientalischen Sprachen oder arabischen oder türkischen Kulturen zu finden sind. Man kann davon ausgehen, dass die islamischen Grundlagenstudien in Deutschland (das auch gut mit türkischen und iranischen Universitäten vernetzt ist) stärker entwickelt sind, während in Frankreich die Lehrer und Intellektuellen, die islamisches Wissen für die Moscheewelt vermitteln, eher Aktivisten sind.
Cependant, dans les deux pays, on constate une prolifération des offres de savoir religieux musulman, une intense concurrence entre les acteurs, une diversification de supports et des formats pédagogiques, la présence de formateurs locaux comme de formateurs lointains (grâce au e-learning et aux diplômes délivrés en distanciel par des universités islamiques reconnues). Cette abondance de l’offre permet aux fidèles ordinaires de comparer les différents positionnements théologiques et normatifs, dans un contexte de société sécularisée et laïque, où les changements d’affiliation ou d’écoles doctrinales sont plus faciles que dans les pays d’origine. Dans cet environnement particulièrement dynamique, aux côtés d’un souci renouvelé pour l‘orthopraxie (que recouvre la dichotomie « vrai ou faux islam »), toutes les grandes questions théologiques (nature du Coran, place des autres confessions abrahamiques, conditions du salut individuel, sens existentiel donné à son propre être-au-monde) restent ouvertes à la réactualisation. On note donc une forte tension, dans les mondes musulmans français et allemands, entre le désir de repenser et renouveler les façons de vivre le culte musulman et celui de donner une image cohérente et solidaire de l’islam. Une grande majorité des fidèles cherchent, dans une situation minoritaire où la sécularité devient la norme, à maintenir une unité de la communauté des croyants dans sa diversité.
In beiden Ländern ist jedoch eine Vermehrung der Angebote an muslimischem religiösem Wissen zu beobachten, ein intensiver Wettbewerb zwischen den Akteuren, eine Diversifizierung der Medien und pädagogischen Formate, die Präsenz von lokalen Ausbildern wie auch von Ausbildern aus fernen Ländern (dank E-Learning und Abschlüssen, die von anerkannten islamischen Universitäten im Fernunterricht vergeben werden). Diese Fülle an Angeboten ermöglicht es gewöhnlichen Gläubigen, die verschiedenen theologischen und normativen Positionierungen zu vergleichen, und zwar in einem Kontext einer säkularisierten und säkularen Gesellschaft, in dem der Wechsel der Zugehörigkeit oder der doktrinären Schulen leichter ist als in den Herkunftsländern. In diesem besonders dynamischen Umfeld bleiben neben einer erneuten Sorge um die Orthopraxie (die durch die Dichotomie « wahrer oder falscher Islam » abgedeckt wird) alle großen theologischen Fragen (Wesen des Korans, Stellung der anderen abrahamitischen Konfessionen, Bedingungen der individuellen Erlösung, existenzieller Sinn des eigenen In-der-Welt-Seins) offen für eine Aktualisierung. In den muslimischen Welten Frankreichs und Deutschlands ist daher eine starke Spannung zwischen dem Wunsch, die Art und Weise, wie der muslimische Gottesdienst gelebt wird, zu überdenken und zu erneuern, und dem Wunsch, ein kohärentes und solidarisches Bild des Islams zu vermitteln, festzustellen. Eine große Mehrheit der Gläubigen versucht, in einer Minderheitensituation, in der die Säkularität zur Norm wird, die Einheit der Glaubensgemeinschaft in ihrer Vielfalt zu bewahren.